“Voici, je fais toutes choses nouvelles !” (Apocalypse 21, 5)
Salutations
Chers bien-aimés, Peuple de Dieu dans notre Église-Famille de Dieu en Afrique de l’Ouest, nous, Cardinaux, Archevêques et Évêques des Conférences Épiscopales Réunies de l’Afrique de l’Ouest (CERAO), vous saluons au nom du Christ Jésus le Seigneur ressuscité dont, en ce Temps Pascal, nous commémorons la résurrection d’entre les morts. En son nom, nous disons: Que la paix soit avec vous tous ! Il est vraiment ressuscité. Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !
Aujourd’hui, 08 mai 2022, c’est le 4ème dimanche de Pâques, connu comme le dimanche du Bon Pasteur ou le dimanche des vocations. L’Eglise, à travers l’Evangile, nous invite à réfléchir sur notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ qui est le Bon Pasteur, et qui interpelle chacune de ses brebis à le suivre pour avoir la vie éternelle. Il dit : “Mes brebis entendent ma voix, je les connais, elles me suivent et je leur donne la vie éternelle.” (Jn 10, 27-28a).
En ce dimanche du Bon Pasteur, nous, les membres des CERAO, achevons notre 4ème Assemblée Plénière ici à Abuja. Il pourrait vous intéresser, cher Peuple de Dieu, de savoir que le Bon Pasteur est le symbole et le patron des CERAO ; il nous appelle, nous, vos Cardinaux, Archevêques et Évêques de cette sous-région, à le suivre et à être de bons bergers pour vous, son cher troupeau.
Par coïncidence, cette assemblée a lieu exactement 25 ans après notre toute première réunion conjointe en tant qu’Evêques des deux associations de l’époque, à savoir une assemblée des Evêques des pays anglophones et des pays francophones et lusophones de la sous-région. Nous avons toutes les raisons de rendre grâce à Dieu et de nous réjouir de ce que le Seigneur a fait pour nous dans notre Union, les CERAO.
La 4ème Assemblée plénière des CERAO
Cette 4ème Assemblée Plénière a réuni deux Cardinaux et 97 Archevêques et Evêques, des représentants des prêtres et religieux, des jeunes et des laïcs de notre sous-région, et, pendant une semaine, nous avons délibéré sur le thème : “Fratelli Tutti : Chemin pour construire une fraternité et une paix durable en Afrique de l’Ouest”. Ce thème a été inspiré justement par la Lettre Encyclique Fratelli Tutti 2020 de Notre Saint Père le Pape François sur la fraternité et l’amitié sociale.
Fratelli Tutti, l’appel du Pape François à la fraternité et à l’amitié sociale
Chers bien-aimés dans le Christ Jésus, la Lettre Encyclique Fratelli Tutti sur la fraternité et l’amitié sociale a guidé nos délibérations d’une semaine. Et il convient de noter que le Saint- Père lui-même reconnaît qu’il a été encouragé à écrire cette lettre encyclique entre autres aussi par sa rencontre personnelle et ses échanges avec le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb à Abu Dhabi le 04 février 2019, au cours desquels les deux chefs religieux ont publié ce qui est intitulé le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et le vivre ensemble. Cet événement historique de rencontre et de dialogue des deux leaders religieux dans le monde a en outre inspiré l’Assemblée Générale des Nations Unies à adopter le 04 février comme Journée internationale de la fraternité humaine.
De sa rencontre avec le Grand Imam Al-Tayyeb, notre Saint Père déclare : « … Nous avons déclaré que “Dieu a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à vivre ensemble comme des frères et des sœurs”. Il ne s’agissait pas d’un simple geste diplomatique, mais d’une réflexion née du dialogue et d’un engagement commun. La présente encyclique (Fratelli Tutti) reprend et développe certains des grands thèmes abordés dans le document que nous avons tous deux signé » (FT 5). Plus loin, en donnant la raison et le but de cette Lettre, le Pape François écrit : “Je propose cette Encyclique sociale comme une modeste contribution à une réflexion continue, dans l’espoir que, face aux tentatives actuelles d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons capables de répondre par une nouvelle vision de la fraternité et de l’amitié sociale qui ne reste pas au niveau des mots… J’ai voulu faire de cette réflexion une invitation au dialogue entre tous les hommes de bonne volonté” (FT6)
Le Saint-Père poursuit en insistant : “Je souhaite qu’en notre temps, en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions contribuer à la renaissance d’une aspiration universelle à la fraternité. La fraternité entre tous les hommes et toutes les femmes… Rêvons donc comme une seule famille humaine, comme des compagnons de route partageant la même chair, comme des enfants de la même terre qui est notre maison commune, chacun de nous apportant la richesse de ses croyances et de ses convictions, chacun de nous avec sa propre voix, tous frères et sœurs” (FT 8).
C’est à la lumière de cette Lettre Encyclique qui appelle à “une nouvelle vision de la fraternité et de l’amitié sociale”, “en tant que compagnons de voyage partageant la même chair, en tant qu’enfants de la même terre qui est notre maison commune”, que nous, vos bergers, partageons les préoccupations suivantes avec vous, cher Peuple de Dieu dans notre Église-Famille de Dieu, et avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté dans notre sous-région, comme le souhaite notre Saint-Père le Pape François.
Sur la COVID-19 et ses conséquences
Tout d’abord, nous remercions Dieu que la pandémie mondiale de coronavirus qui s’est déclarée en 2019 et a affligé des milliers de nos frères et sœurs de la sous-région avec son lourd bilan de décès, s’atténue progressivement. Continuons à prier le Seigneur notre Dieu qui écoute le cri des pauvres ! Observons également religieusement les protocoles sanitaires nécessaires afin de stopper la propagation du virus, voire son éradication définitive.
Les rapports sur l’insécurité et l’instabilité politique en Afrique de l’Ouest
Chers frères et sœurs bien-aimés, en écoutant les rapports de nos frères Evêques des CERAO et de nos conférences épiscopales, nous nous sommes attristés de constater qu’après une période de paix relative, de gouvernance démocratique et de développement politique, nous assistons maintenant à un retour de l’instabilité politique dans la sous-région, la gouvernance militaire et l’augmentation des conflits humains, des guerres et des souffrances massives infligées à nos populations, ce qui menace les fondements mêmes de notre fraternité commune en tant qu’enfants de Dieu, créés à son image et à sa ressemblance, et à qui la terre, notre maison commune ici en Afrique de l’Ouest, a été confiée pour “la cultiver et la garder” (voir Gn 1, 26- 28 et 2, 15). Nous avons observé avec douleur comment la paix de nos communautés et de peuples entiers a été mise en danger par la cupidité et la corruption humaines, la mauvaise gouvernance, l’ethnocentrisme, etc. Nous avons également observé la destruction gratuite des magnifiques trésors de la création, à savoir la terre, les plans d’eau, les richesses minérales, etc. que Dieu nous a confiés pour le bien commun et aussi pour la postérité dans notre sous-région.
Fratelli Tutti, le Pape François et l’appel à une nouvelle vision de la fraternité
C’est dans ce contexte que le thème de notre Assemblée est vraiment un appel urgent. Face à toutes les conséquences douloureuses, à savoir les ravages de la pandémie mondiale de la COVID-19, l’inhumanité de l’homme envers son prochain dans notre développement socio- politique, et la destruction continue de l’écologie naturelle, nous, les Evêques, ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons répondu, d’abord par la prière à Dieu, lui demandant le pardon de nos péchés et ensuite par l’accueil humble de son appel à la conversion du cœur et à la nécessaire éducation à la paix, à la fraternité et à un plus grand respect ainsi qu’à une plus grande coresponsabilité les uns envers les autres dans la fraternité et l’amitié sociale et pour la terre, notre maison commune. Nous n’avons cessé d’attirer notre attention sur notre grand devoir d’être responsables les uns envers les autres et les intendants fidèles du bien commun.
Nous sommes convaincus que, aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de sauver et conserver nos valeurs culturelles à travers les différentes communautés pour tisser ensemble une culture
de dialogue et de rencontre, ainsi qu’une civilisation de l’amour et de l’engagement pour la vie. Notre Saint-Père, le Pape François, le souligne en affirmant que : “Un amour capable de transcender les frontières est la base de ce qui, dans chaque ville et chaque pays, peut être appelé l’amitié sociale. L’amitié sociale authentique au sein d’une société rend possible une véritable ouverture universelle” (FT 99).
C’est à cela que nous exhortons chacun d’entre vous, cher Peuple de Dieu, à s’engager.
…Un appel au repentir et à la conversion écologique
Nous sommes conscients que de nombreux obstacles se dressent sur notre chemin. Cependant, même si c’est dans le cœur pécheur des hommes et des femmes que naissent les guerres et les querelles (voir Jacques 4, 1-3), nous savons, croyons et affirmons qu’avec Dieu, tout est possible (voir Mt 19, 26). Nous nous engageons donc dans la nouvelle vision de la fraternité et nous vous invitons, ainsi que tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté de notre sous- région ouest-africaine, à répondre à l’appel du Saint-Père à la repentance et à la conversion écologique afin de renouveler la face de la terre. En outre, l’amitié fraternelle et la solidarité entre et à travers les confessions, les nations et les civilisations, peuvent refaire notre monde. En tant qu’êtres humains, nous sommes tous unis par des accords fondamentaux sur les éléments essentiels de tout ce qui nous rend humains, tels que l’amour, le respect, l’intégrité, la dignité humaine, etc.
Dans l’encyclique, le pape François attire notre attention sur ces vertus et sur le fait que la société a besoin d’être correctement éduquée aux meilleures façons de travailler à la fraternité et à l’amitié sociale, ainsi qu’à la justice et à la paix.
Il écrit : “L’éducation et l’instruction, l’attention aux autres, une vision intégrée de la vie et la croissance spirituelle, tout cela est essentiel pour des relations humaines de qualité et pour permettre à la société elle-même de réagir contre les injustices, les aberrations et les abus de pouvoir économique, technologique, politique et médiatique” (FT 167).
Nous admettons que la fraternité humaine est aujourd’hui gravement menacée. Nous appelons donc nos dirigeants politiques et traditionnels à renouveler leur engagement à œuvrer pour le bien-être et la prospérité de l’ensemble de notre peuple. Nous avons entendu des histoires sur la façon dont certains de nos politiciens et chefs traditionnels sont même pris au piège dans la toile de la complicité avec des intérêts étrangers et hypothèquent l’avenir de nos peuples et de la postérité par des compromis corrompus en concluant des accords qui augmentent la pauvreté de nos peuples. Nous lançons un appel à tous les dirigeants, aux chefs traditionnels et aux autorités politiques, hommes et femmes d’affaires, fonctionnaires et agents publics, et en particulier à nos jeunes, pour qu’ils se serrent les coudes afin de défendre nos valeurs chères de
famille et de fraternité, qui ont toujours été le fondement de nos cultures et traditions africaines. En tant qu’Africains, nous avons toujours vécu les uns pour les autres. Nous devons nous lever maintenant, identifier nos dons et les utiliser pour construire des ponts d’amitié et d’amour. Dieu qui est notre Père à tous nous appelle à cela.
Le Christ est ressuscité, notre espoir de renouveau
Chers amis, la bonne nouvelle de la résurrection en ce Temps Pascal est que nous pouvons tous nous relever de nos tombeaux de péché et de mort, c’est-à-dire l’avidité, l’égoïsme, l’individualisme, l’abus de pouvoir, les conflits et les exclusions interethniques et interreligieux, la recherche démesurée de richesses matérielles et le consumérisme pour marcher vers et dans une nouvelle vie de fraternité, d’amitié sociale, d’amour, de partage, de service et de sacrifice. C’est ce que le Christ Jésus, dans les évangiles, nous enseigne par sa vie de service désintéressé jusqu’à la mort. C’est aussi ce que le Pape François nous encourage à poursuivre dans son Encyclique Fratelli Tutti et dans son appel à cheminer dans la synodalité en tant qu’Eglise- Famille de Dieu en communion, participation et mission.
D’ailleurs, le Christ enjoint à chacun de ses disciples d’être le sel de la terre et la lumière du monde (voir Mt 5, 13-16). Le Seigneur ressuscité nous rassure en outre qu’il est avec l’Église, oui, jusqu’à la fin des temps (voir Mt 28, 20).
Soyons donc convertis de cœur, d’esprit et d’âme, et engageons-nous dans la nouvelle vision de la fraternité et de l’amitié sociale à travers le dialogue et la rencontre, et travaillons pour un monde meilleur pour tous, où il y aura des frères et des sœurs qui savent que nous sommes tous des enfants de Dieu et des serviteurs appelés à être les gardiens et les intendants les uns des autres, de la terre et de tout ce qui est sur elle et en elle.
Gratitude envers l’Église catholique au Nigeria
Chers bien-aimés dans le Christ, nous ne pouvons conclure ce message sans un mot de gratitude à l’égard de nos frères Evêques de la Conférence des Evêques catholiques du Nigeria, ainsi qu’au gouvernement et à l’ensemble du Peuple de Dieu dans ce pays. A travers vous, nous avons réellement fait l’expérience de ce que signifie vraiment l’Église-Famille de Dieu. Nous sommes reconnaissants pour la chaleur et la grande hospitalité dont nous avons bénéficié. Nous ramenons avec nous ce que nous avons appris ici, et nous nous engagerons de plus en plus dans la nouvelle vision de fraternité et d’amitié sociale de Fratelli Tutti dans l’Eglise et à travers l’Eglise-Famille de Dieu pour les citoyens de nos différents pays dans la sous-région. Nous
remercions tous ceux qui ont travaillé consciencieusement dans les coulisses pour faire de cette Assemblée un succès et un moment mémorable.
Conclusion
Pour conclure, nous vous exhortons tous, Peuple de Dieu dans notre Église Famille de Dieu et vous nos frères et sœurs de bonne volonté dans la sous-région ouest-africaine et ailleurs, par ces mots de Saint Paul aux Philippiens (4, 8) : “Pour ce qui est du reste, frères, tout ce qui est vrai, tout ce qui est chaste, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui est digne d’être aimé, tout ce qui est de bonne réputation, s’il y a quelque vertu, s’il y a quelque discipline louable: méditez là-dessus. Et ainsi la paix de Dieu sera avec vous !”